La sécurité privée est un secteur qui a le vent en poupe. Or, il souffre d’un déficit de main d’œuvre dû à un renforcement des conditions d’accès à ces métiers réglementés, des rémunérations faibles, des conditions de travail parfois difficiles et d’un manque de communication. Mais les acteurs ne restent pas sans rien faire et ont entamé une reclassification des grilles des métiers.

Le secteur de la sécurité privée en France réalise annuellement environ huit milliards d’euros de chiffre d’affaires et compte 180 000 salariés qui travaillent dans plus de 3 500 entreprises. Or, quelque 20 000 emplois viennent à manquer, alors que le besoin d’agents s’avère important compte tenu des impératifs actuels et futurs, comme pour la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux Olympiques de Paris en 2024. « De plus en plus de missions sont données au secteur de la sécurité privée dans les domaines par exemple des transports, des interventions sur alarme, de la surveillance sanitaire, sans oublier l’apport et l’utilisation croissante des nouvelles technologies », relève Olivier Driffort, Président de l’Union Française des Acteurs de Compétence en Sécurité (UFACS). Né en octobre 2021 du rapprochement entre Unafos et FPS, ce syndicat compte 160 adhérents pour plus de 400 centres de formation dont 350 spécialisés en sécurité.

Olivier Driffort, Président de l’Union Française des Acteurs de Compétence en Sécurité (UFACS)

Un marché atomisé et peu organisé

Les raisons de ce déficit d’emplois sont multiples. « Le secteur de la sécurité privée se caractérise par une atomisation des entreprises qui le composent », avertit Cédric Paulin, Secrétaire du Groupement d’entreprises de sécurité (GES), première organisation patronale représentative de la branche avec 200 adhérents, soit 80 000 salariés. « Cela induit que beaucoup de petites entreprises ont de faibles moyens pour recruter et former, ce qui les rend fragiles, ainsi que le marché. La limitation de la sous-traitance à 2 niveaux, avec la loi « Sécurité globale » de mai 2021, pourrait être un moyen de les renforcer, en augmentant leur taille-critique. »

En outre, « les causes datent depuis plusieurs années du fait d’un manque d’attractivité », renchérit Olivier Driffort. « Ces métiers sont difficiles avec des conditions de travail parfois pénibles : travail de nuit, vacations de douze heures, des relationnels avec un public parfois énervé. La rémunération n’est pas toujours à la hauteur et nous accusons un déficit de communication, notamment quant à la diversité du secteur qui ne concerne pas uniquement du gardiennage. Il englobe en effet une trentaine de métiers, de la vidéosurveillance, au garde du corps, en passant par le transport de fonds. Il faut également savoir que nos métiers sont réglementés via l’obtention de carte professionnelle après validation du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), basée sur l’aptitude et la moralité. En outre, la dernière loi de sécurité globale renforce les contrôles et exige notamment un minimum de cinq ans de titre de séjour en France obligatoire. Tout ceci limite le potentiel de candidats, ainsi que la possibilité de réaliser des formations à distance et de faire appel à l’alternance. »

Les acteurs de la sécurité privée ripostent

Cédric Paulin, Secrétaire du Groupement d’Entreprises de Sécurité (GES)

Ainsi, dès l’été 2021, les centres de formation ont constaté que 30% à 40% des postulants à être formés n’étaient plus éligibles. Et dans une période critique, entre reprise économique et crise sanitaire. « Le pass sanitaire avait nécessité beaucoup d’agents de sécurité pour l’effectuer, ce qui a entraîné une vague de recherches de nouveaux agents de juillet à septembre 2021 », explique Cédric Paulin. « Les lieux qui n’avaient pas de sécurité privée n’ont pas forcément cherché à en avoir, les recrutements se sont faits par ceux qui déjà en avait. Les donneurs d’ordres ont embauché pour éviter les files d’attentes, créant une tension supplémentaire à une pénurie d’effectifs déjà existante. »

Face à une telle situation, les acteurs ne restent pas les bras croisés. « La branche est en pleine période de reclassification de ses métiers avec les partenaires sociaux et patronaux afin de revoir les rémunérations et apporter une vraie perspective de carrière », souligne Olivier Driffort. Cette négociation de branche vise à « augmenter de 10% la masse salariale tout en réduisant le nombre de métiers moyennant une reclassification de nos métiers en vertu d’un engagement patronal depuis novembre 2019 qui a précédé la signature d’un accord pour rehausser les salaires en 2020, et 2021 », précise Cédric Paulin. « Nous espérons boucler l’ensemble de la négociation avant la fin de l’année 2022. Reclassifier la grille des métiers aura un impact sur les formations et une possible hausse de +15% des tarifs, à moins de revoir les modalités des missions ». Avec la hausse de l’inflation depuis maintenant plus d’un an, la branche a également dû adapter ses revalorisations dans sa grille des métiers actuels : « Un accord de revalorisation de l’ensemble des salaires minimums conventionnels de 7,5% a ainsi été signé en septembre 2022, qui devrait s’appliquer au 1er janvier 2023 : il s’agit d’un effort important dans une période économique incertaine » souligne Cédric Paulin.

Un volet « Formation » existe également dans cette négociation, afin de mettre à disposition des entreprises et des salariés des blocs de compétences, des certifications professionnelles et des certifications de compétences complémentaires à celles déjà existantes. Cela fait déjà plusieurs mois que nous nous sommes lancé dans de nouvelles certifications, notamment avec des certifications de compétences complémentaires à enregistrer au répertoire spécifique de France Compétences. Ainsi, les agents pourront être mieux formés, mieux payés avec de nouvelles compétences pour les clients. »


Pour en savoir plus

Le secteur de la sécurité privée en chiffres : Chiffres & Activités – GES Sécurité Privée (ges-securite-privee.org)

Le marché de la sécurité privée : Portée future du marché des services de garde de sécurité privés, y compris les principaux acteurs Securitas AB, Secom, G4S – Androidfun.fr

Rapport sur les enjeux économiques du secteur : Mission d’information relative aux enjeux économiques de la sécurité privée : la mission rend son rapport – Enjeux économiques de la sécurité privée – A la Une – Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)